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Par Anonyme , le 29/06/2020 - 06:58

Bonjour,
J'ai lu avec attention votre note, votre projet d'arrêté et consulté attentivement les cartes associées.
Je salue l'effort fait de ne pas interdire purement et simplement la pratique du vélo dans notre parc national.
Il est effectivement important de ne pas obérer la possibilité d'une traversée en itinérance du massif. Il est également tout à fait logique de laisser la libre circulation des vélos là où celle des véhicules à moteur est autorisée (même à titre dérogatoire).
Toutefois, ces documents appellent plusieurs remarques :

1-Concernant l'itinérance, pourquoi n'avoir proposé qu'un tronçon permettant de traverser cette longue bande de 70km de long environ sur 6-7km de large en moyenne ?
Traverser de Demandols aux Tourres par le col de Pal ou de Saint-Dalmas-le-Selvage à Entraunes par le col de Gialorgues ou encore de Roya à Péone par les cols de Crous ou Crousette ou bien d'Isola à Roure par le col de la Valette et Longon pose-t-il un problème, compte tenu de la faible fréquentation envisagée de ces itinéraires techniques ? Quel est l'impact du passage de quelques dizaines de vététistes par an sur ces itinéraires en regards des centaines de motos et autres véhicules à moteur transitant chaque jour en coeur de parc par les cols de la Bonette et de la Cayolle ?

2-Concernant l'impact sur l'environnement, qu'en est-il réellement ? Existe-t-il des études démontrant un dérangement plus important causé par les vélos comparativement aux piétons ? Il faut bien reconnaitre que la fréquentation d'un espace naturel, à pieds ou à vélo a un impact, alors, pourquoi réglementer l'un et pas l'autre ? Oui, l'utilisation d'un VTT participe à l’érosion des sentiers, tout comme les chaussures à crampons des randonneurs pédestres et leurs bâtons pointus (286 000 randonneurs en coeur de parc pendant l'été 2001). Avez-vous constaté l'état d'un sentier après le passage d'un troupeau de 1000 ou 1500 brebis ? Pourtant, les 93 alpages du coeur du parc du Mercantour hébergent chaque été plusieurs dizaines de milliers d'ongulés domestiques qui foulent régulièrement de leurs centaines de milliers de pattes les sentiers de cet espace protégé. Faut-il pour autant les interdire ?
Enfin, le sentier fréquenté par les randonneurs à pieds ou à vélo est un milieu anthropisé, aménagé par et pour l'Homme, où le sol est à nu, permettant à tous de circuler sur un même linéaire, évitant ainsi de piétiner la végétation. L'enjeu environnemental y est donc quasi nul, ne laissant perdurer que la problématique de l'entretien (qui se pose quel que soit le type de fréquentation).
Je n'invente rien, c'est vous-même qui l'écrivez page 22 dans votre excellent Manuel pédagogique et technique : restauration des sentiers : "Le vallon du Lauzanier est un espace fragile pour plusieurs raisons. D’abord par sa géologie : des terrains meubles occupent sa partie inférieure jusqu’au lac. Ensuite par son histoire humaine : des millénaires de pâturage ont laissé leurs traces, affaibli et appauvri le couvert végétal. Enfin à cause des milliers de touristes qui foulent, chaque année, ses sentiers : ils exercent sur ces sols sensibles une pression importante." Dans ce manuel, il est également tenu compte du type de fréquentation pour réaliser un entretien adapté (chapitre 2), le VTT y est reconnu et intégré.
C'est pourquoi une proposition d'arrêté du directeur pourrait imposer au cycliste de ne pas sortir de l'emprise du sentier sous peine d'être verbalisable.

Vous écrivez dans votre note : « l'objectif I de la charte indique que « le cœur du parc se visite en tout premier lieu à pied. De manière générale, la circulation pédestre est encouragée (…) Les pratiques sportives ou de loisirs qui sont promues dans le cœur de parc accordent une large part à la contemplation et à la lenteur », alors pourquoi réglementer le VTT et pas le ski de randonnée (autrement plus dérangeant en période hivernale et printanière, là où les animaux sont le plus sensibles) ? Avez-vous des chiffres de fréquentation des skieurs de randonnée dans le cœur du parc ? Sont-ils plus nombreux que les vététistes ? Si oui, pourquoi stigmatiser ces derniers en réglementant leur activité et pas les randonneurs à ski (ou à raquettes) ?? Sans oublier que le critère de « lenteur » évoqué plus haut entre en totale contradiction avec la pratique du ski de randonnée !

3-L'essor des vélos à assistance électrique (VAE) semble vous inquiéter. Juridiquement, c'est un vélo comme un autre et l'exemple récent de la réserve naturelle des Hauts plateaux du Vercors l'a bien confirmé (tant que ce dernier répond aux normes définies par l'article R311-1 du Code de la route). Si les VAE permettent de monter des pentes plus raides ou plus longues, il n'en restent pas moins des vélos qui nécessitent des compétences de pilotage dès que la technicité (pente, étroitesse, obstacles, substrat,...) augmente ! Bien sûr, avec le développement de ce type de bicyclette, la fréquentation est amenée à croitre. Cependant, sa pratique restera essentiellement cantonnée aux pistes larges et peu techniques, précisément les itinéraires envisagés par la Métropole de Nice ou le département. Sur ces linéaires, il est bien sûr préférable de rester sur la trace confortable plutôt que de tenter du « hors-piste ». L'impact est ainsi nul sur l'environnement et minime sur ces pistes prévues pour accueillir des véhicules à moteur (au sens de la loi de 1991).

4-Concernant les types de sentiers à autoriser, les recommandations de la Commission d'enquête issues de la consultation publique sur la charte du Parc (enquête publique n°E11000078/06) sont ainsi rédigées (page C11/16) : « La commission d’enquête recommande : (…) - Que la possibilité de définir des itinéraires de promenades en VTT en dehors des voies carrossables soit envisagée car les impacts éventuels relèvent du type de pratique et de la configuration du terrain plus que de la nature des voies empruntées. »  Ainsi, dans les endroits où le type de pratique et la configuration le permettent, c'est à dire presque partout selon les compétences techniques des cyclistes les plus aguerris, il semble envisageable d'autoriser le passage des vélos, sachant que la technicité des itinéraires n'amènera qu'une minorité de vététistes à y poser les roues. En quoi le passage de quelques dizaines de vélos par an va-t-il poser problème ? Prenez le temps de discuter avec vos voisins du PNR Queyras qui gèrent en saison estivale la circulation de milliers d'amoureux de « vélo de montagne » sur leurs sentiers, y compris en RNN !

Pour finir, le principe du « interdire partout sauf... » ne me semble pas du tout pertinent au regard des connaissances actuelles sur le dérangement de la faune par les vététistes. Si l'on applique le principe de précaution sur cette thématique, alors il est légitime de l'appliquer à tous les utilisateurs de la montagne (et pas uniquement aux vététistes !). Le principe du « autorisé partout sauf... » me semble plus approprié en limitant l'impact là où les enjeux ont été clairement définis. Par exemple, si le problème est la cohabitation avec les randonneurs sur les sentiers, il convient d'interdire les sentiers à la période où les randonneurs sont le plus nombreux (pourquoi pas entre le 1er juillet et le 31 août ? ). Idem pour le dérangement possible de la faune, interdire lorsque les animaux sont en période de reproduction et autoriser à partir du 1er septembre, date à laquelle toutes les espèces ont élevé leurs jeunes. A minima, une autorisation de circuler à VTT sur les sentiers du cœur du parc me semble complètement envisageable en limitant au maximum les interférences avec la faune et les autres pratiquants entre le 1er septembre et le 30 novembre. C'est exactement le raisonnement qui a été appliqué pour autoriser la pratique du parapente dans le cœur du Parc national des Ecrins entre le 1er juillet et le 31 octobre (http://www.ecrins-parcnational.fr/les-survols-non-motorises). Et cette pratique se déroule sans encombre depuis 7ans !
Ce principe du « autorisé partout sauf... » permet également au directeur du parc de réagir rapidement pour réglementer la pratique en cas de problème dument constaté.

Signé : un garde-moniteur du parc national des Ecrins