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Opération Bouquetin

Renforcement génétique de la population Argentera Mercantour

 

Le Bouquetin des Alpes (Capra ibex) est l’une des 5 espèces autochtones d’ongulés de notre pays. Sa répartition mondiale est limitée à l’arc alpin. Son histoire récente a été très tourmentée. En effet, il a failli complètement disparaître au XIXème siècle, victime de la chasse. Mais grâce à la volonté de certains passionnés, notamment le roi Victor Emmanuel II, l’espèce fut protégée dans le Parc national italien du Grand Paradis, où vivaient les derniers individus, ils n’étaient plus qu’une centaine. Suite à cette protection la population a pu se développer à nouveau, fournissant des individus pour de nombreuses opérations de réintroduction à travers toutes les Alpes.

Ainsi, après avoir disparu du massif de l’Argentera-Mercantour, les bouquetins ont été réintroduits sur le versant italien au début du XXème siècle. La population actuelle est évaluée à environ 1 200 individus, elle vit dans les hautes vallées de la Roya, de la Vésubie et du Parco Alpi Marittime en Italie.

Dans le cadre du programme européen transfrontalier Alcotra LEMED IBEX, les études génétiques menées sur ces bouquetins ont montré que cette population présente la plus faible variabilité génétique de l’ensemble des Alpes. Au contraire, celles de Vanoise et du Grand Paradis présentent la diversité génétique la plus élevée.

Afin de favoriser la bonne santé de la population d’Argentera-Mercantour et accroître sa diversité génétique, le Parc national du Mercantour et le Parc national de la Vanoise ont décidé de transférer des animaux en provenance de Vanoise dans le sud du Mercantour. 

La diversité génétique est en effet un atout majeur pour s'adapter aux différents changements et aux maladies émergentes. Ces opérations ont duré deux semaines au mois avril 2021 et sont le fruit d’une collaboration étroite entre les agents des deux parcs nationaux.

 

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le mâle Hulk lors de sa capture à Champagny par les agents du Mercantour et de la Vanoise © C. Gotti / PnV

Mercantour : Une population de bouquetins fondée avec trop peu d’individus

En 1920, il y a 100 ans, les premiers bouquetins étaient réintroduits dans la réserve de chasse royale de l’Argentera, devenue aujourd’hui le Parco Alpi Marittime. Environ 25 animaux seront réintroduits entre 1920 et 1932, mais on estime à moins de 10 le nombre d’individus qui se sont effectivement reproduit. Dans les années 1950, quelques bouquetins issus de cette population italienne commencent à faire des apparitions estivales dans le massif du Mercantour, dans les hautes vallées de la Roya et de la Vésubie, mais il faudra attendre les années 1990 pour que des animaux s’installent à l’année sur le versant français.

En Vanoise, le bouquetin avait quasiment disparu au début du XXème siècle : il en restait une soixantaine en Maurienne. Le Parc national a été créé pour le protéger et aujourd’hui la population est estimée à environ 2 500 bouquetins. 

 

Renforcer la diversité génétique de la population de bouquetins du Mercantour

Le nombre d’individus qui a fondé la population Argentera-Mercantour est très faible car les moyens techniques de l’époque et le nombre de bouquetins présents dans le Grand Paradis ne permettaient pas d’introduire un grand nombre d’individus en une seule fois. C’est ce qui explique la faible diversité génétique de cette population. Au contraire, les populations du Parc national de la Vanoise et du Grand Paradis, qui ont bénéficié de souches diversifiées, présentent la diversité génétique la plus élevée.

Au regard de ces résultats, le Parc national du Mercantour et le Parc national de la Vanoise ont pris la décision de transférer des animaux en provenance de Vanoise, afin d’accroître la diversité génétique de la population de bouquetins Argentera-Mercantour, leur donnant ainsi un maximum d’atouts pour résister aux aléas futurs.

Ce projet présente un intérêt direct évident pour cette population qui pourra bénéficier du renforcement, mais il est aussi un atout pour l’espèce à l’échelle des Alpes, permettant d’accélérer les échanges inter-populations.

Ce projet de renforcement génétique va dans le sens des préconisations du Groupe des spécialistes de la réintroduction de la Commission de sauvegarde des espèces de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) qui recommande de préserver la plus grande diversité génétique possible, tant pour les populations animales naturelles que pour celles réintroduites (UICN, 1998).

Aujourd’hui, de nombreuses études démontrent l’importance d’une forte diversité génétique en conservation des populations. Il est largement admis que plus cette diversité est importante, plus les chances pour une population de survivre à des perturbations seront élevées. Les principales menaces concernant l’espèce bouquetin sont : le changement climatique, et plus largement les changements globaux, le dérangement anthropique et les épidémies.

 

Opération de capture, transport et lâcher : une organisation rigoureuse en inter-parcs

Les opérations de capture en Vanoise ont duré deux semaines, fin avril 2021. Les généticiens se sont accordés sur la pertinence du prélèvement d’animaux dans deux populations de Vanoise : Champagny-en-Vanoise et Modane. 19 animaux au total (10 femelles et 9 mâles) ont été capturés en Vanoise et relâchés dans le Mercantour. Le nombre d’animaux prélevés sur les deux sites n’aura aucune conséquence sur la dynamique de la population de Vanoise.

Une intervention en cette période de printemps permet d’approcher plus facilement les animaux, en quête de nourriture au bas des versants et déjà déneigées. Cela permet également de bénéficier de conditions de transport optimales pour le bien-être des animaux en évitant de fortes chaleurs. Enfin, les captures pratiquées à cette période minimisent le risque de compromettre la mise-bas des femelles. 

Pour la capture, les femelles étaient privilégiées car elles présentent une plus grande chance de se reproduire dès le printemps suivant le lâcher. Si elles sont gestantes au moment de leur capture, cela permet l’introduction de deux individus. Concernant les mâles, on ne peut être sûr qu’ils participent efficacement à la reproduction, toutefois, si c’est le cas, l’intérêt est réel, car ils peuvent saillir un nombre élevé de femelles et ont des capacités de dispersion géographique souvent plus importantes.

 

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L’étagne prénommée « Babette », équipée d’un collier GPS et de marques auriculaires, au moment de son relâcher en Vésubie © C. Assmann / PnM

 

Des vétérinaires spécialisés et de multiples experts pour une opération rare

Les captures ont été réalisées par télé-anesthésie, filet tombant ou cage piège, dispositifs éprouvés depuis de nombreuses années au sein du Parc national de la Vanoise. Sur Champagny, afin de faciliter le transport et limiter le stress des animaux, un dispositif innovant et probablement unique au monde a été mis en œuvre pour acheminer les animaux au plus près des accès routiers : une tyrolienne, conçue par l’équipe de cordistes du Parc national de la Vanoise.

Les équipes des parcs nationaux du Mercantour et de la Vanoise, spécifiquement formées et en présence de vétérinaires spécialisés, se sont assurées que les animaux transférés étaient en bonne santé. 

Le transport des animaux s’est effectué en bétaillère, à la fin de chaque journée de capture et de nuit, pour respecter le cycle naturel des animaux et permettre un relâcher à l’aube à l’arrivée. Les animaux ainsi transportés ont fait l’objet d’une surveillance renforcée par un vétérinaire lors de chaque trajet.

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Descente spectaculaire d’une étagne par tyrolienne © M. Canut / PnM

 

Un suivi attentif des déplacements des animaux sur leur territoire d’accueil

Le site de lâcher était situé en vallée de la Vésubie, sur la commune du Belvédère, dans le vallon de la Gordolasque. Les animaux ont été lâchés au plus près de colonies existantes, afin qu’ils retrouvent très vite des congénères sur place, ce qui tend à les calmer et les fixer. La plupart des individus ont d’ailleurs très rapidement rejoint des groupes « locaux ». 

Tous les bouquetins lâchés ont été équipés de marquages visuels (boucles auriculaires colorées) et de colliers GPS. Les boucles auriculaires permettent d’identifier les individus et d’assurer un suivi, dans la durée, par observation qui permettra de mieux connaître leurs déplacements et de mieux comprendre les dynamiques de colonisation de leur territoire d’accueil. Les colliers GPS ont quant à eux une durée de vie d’environ 2 ans et renvoient quotidiennement les données, pour un suivi au jour le jour, suite à quoi ils tombent.

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Arrivée d’un bouquetin capturé avant sa mise en place dans la bétaillère pour transport jusqu’en vallée de la Vésubie © C. Pellet / PnV

 

Une opération inscrite dans le programme européen Alcotra Ibex

Il s’agit bien ici d’une opération de renforcement génétique de population et non de réintroduction. Cette opération découle du vaste programme européen en faveur du bouquetin des Alpes, nommé Alcotra Lemed Ibex, qui regroupait 8 gestionnaires d’espaces protégés : 4 italiens et 4 français. La translocation constituait la dernière étape de ce programme et une forme de point d’orgue.

Pour en savoir plus sur le programme : https://www.mercantour-parcnational.fr/fr/des-actions/connaitre-et-proteger/programme-alcotra-lemed-ibex

Ce transfert a pu être mené grâce au soutien financier des parcs nationaux des Écrins et des Pyrénées, ainsi que de GMF, mécène des parcs nationaux de France.

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Suivez les déplacements des bouquetins sur leur nouveau territoire !

 

Vous pouvez consulter les positions et déplacements des individus équipés de GPS sur le site internet dédié : https://bouquetin.mercantour-parcnational.fr

Le grand public peut participer à la remontée d’observations d’animaux marqués au travers d’un programme de sciences participatives : https://obs.mercantour-parcnational.fr/home