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Une histoire de saxifrages à fleurs nombreuses...

 

Roger Settimo et la saxifrage
Suivi de la saxifrage à fleurs multiples dans les années 50 par Roger Settimo

 

 

De la découverte d'une plante mystérieuse...

J'ai découvert la vallée de la Gordolasque en 1951. Ce fut le coup de foudre, pour sa sauvagerie, car il n'y avait pas de route, 2 heures à pied depuis Belvédère.

J'ai acheté un terrain en 1952, et construit en 1953. C'est en 1955, au cours d'une de mes randonnées au refuge de Nice, que je remarquai une plante magnifique, inconnue. Dans ma bibliothèque à Roquebrune, j'avais "le Bonnier en 12 volumes", la bible des botanistes, dans laquelle je découvris son nom Saxifraga florulenta et une de ses particularités : elle ne fleurissait qu'une seule fois après un certain nombre d'années et mourrait. Je cherchai dans d'autres livres de botanique et j'appris ainsi que pour un auteur, elle fleurissait après 15 ans, pour un autre, c'était au bout de 25 ans, et pour un troisième 80 ans!

La meilleure manière de le savoir était encore de l’étudier et c'est ce que je fis, sur 3 stations dans le vallon Autier à différentes altitudes et orientations (2000 m/Nord ; 2200 m/Ouest ; 2350 m/Sud dans le couloir qui monte au Pas du Lac Autier) et une 4ème station au Mur des Italiens à 2000 m en face Ouest.

Pendant 10 ans, chaque année en juin-juillet, je visitais mes stations, comptais les plantes, mesurais le diamètre de la rosace, ainsi que, le cas échéant, la hauteur de la tige fleurie et le nombre de fleurs.

Une très belle plante pouvait ainsi avoir une tige haute de 30 à 35 cm et 250 à 300 fleurs. Je remarquai que parfois la dernière fleur au sommet de la tige, était double. Mais la principale anomalie, que je remarquai, c'est que certaines années, il y avait une floraison en masse des Saxifraga florulenta sur l'ensemble du Mercantour et ensuite pendant 4 à 5 ans plus aucune ne fleurissait. Pourquoi ? Quelle en était donc la cause ? Cela, je ne l'ai jamais découvert!

En revanche, j'ai découvert que le processus de floraison et ensuite la mort, étaient liés à l’épuisement des éléments nutritifs disponibles pour la plante et ce, quel que soit son âge. Ainsi j'ai noté que des individus âgés de 5 à 6 ans, avec un diamètre de la rosace de 4 à 5 cm pouvaient fleurir avec une hampe de 5 à 6 cm présentant une dizaine de fleurs, quand d'autres, qui pouvaient effectivement avoir 80 ans avec une rosace d'un diamètre de 15 cm, présentaient une hampe fleurie de 30 à 35 cm et 250 à 300 fleurs. Donc les auteurs qui disaient 15, 25 ou 80 ans, disaient vrai et faux en même temps. J'avais noté également que le biotope altimétrique de la Saxifraga florulenta allait de 2000 à 2650 m, aucune en-dessous, aucune plus haut que 2650 m.

 

... à l'emblème du Parc national du Mercantour

Au début de l'année 1980, quelques mois après la création du Parc, le Directeur général de la Protection de la Nature, M. Jean Serva, en charge de la gestion des Parcs nationaux, demanda à chaque Parc national de définir son identité, afin de pouvoir réaliser un logo propre à chacun, rentrant dans un hexagone représentant la France. M. Florent me demanda mon avis. Je lui suggérai de prendre le Saxifraga florulenta, qui d'après les spécialistes pouvait être apparu au "Secondaire", se développa sur une grande partie de la Terre au "Tertiaire", le climat du globe étant tempéré, et fut largement éliminé au "Quaternaire", à part dans le Mercantour, lors des glaciations "Gunz", "Mindel", "Riss", et pendant les quatre phases du" Wurm".

Cette plante unique au monde, présente seulement dans le Mercantour, me semblait vraiment être notre symbole, l'identité propre du Parc national du Mercantour.

M. Florent retint sans hésitation ma proposition et me chargea d'en être le rapporteur lors du prochain conseil d'administration. Les administrateurs s’interrogèrent sur comment pourrait-on bien faire rentrer cette plante dans un hexagone afin de faire un logo. Je proposai de solliciter l’école des Beaux-Arts de Nice, afin que les élèves nous présentent plusieurs dessins stylisés, parmi lesquels nous pourrions choisir. Et c’est ce qui fut fait… Ainsi, peu de temps après, les agents de notre Parc national arborèrent fièrement ce logo sur leurs vêtements.

Quelques années plus tard, les logos des Parcs nationaux furent homogénéisés, à ma grande incompréhension, avec une spirale de la vie qui m’inspire surtout la galaxie G.C. 5889!  Vive l'astronomie!

 

Recueil de témoignage par Julie Molinier