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La passion

La chaussure de Roger Settimo
Une chaussure confectionnée par Roger Settimo il y a plus de 40 ans...Photo par Eric Lenglemetz

 

 

Il y a deux mots que je n’ai jamais prononcés dans ma vie : je suis fatigué et je suis las. J’ai toujours su m’occuper parce que, évidemment, quand on n'a pas d’instruction, le seul moyen est de l’acquérir. Si vous venez un jour avec moi à Roquebrune dans mon bureau, vous verrez, il y a peut-être 2000 ou 3000 volumes là. J’avais de la chance, il y avait des livres chez moi, donc j’ai tout appris car il faut que la passion soit une passion intelligente, que ça serve à quelque chose, que ça débouche sur quelque chose de constructif.

Et puis vous savez, moi, j’ai été bien éduqué. Un jour, alors que j’avais 18 ans, que je commençais à travailler, mon père m’a dit :

« Tu sais, il y a une chose importante dans ta vie. Ne te regarde pas le nombril, ça ne sert à rien. Essaye de faire quelque chose de désintéressé, de totalement désintéressé, de manière à ce que, dans tes vieux jours, tu puisses te retourner et voir ce que tu as construit. Alors tu n’auras pas vécu inutilement. »

Ca, c’est rentré là-dedans… Et puis un beau jour, j’ai eu l’opportunité de m’impliquer dans cette histoire de création du Parc du Mercantour et là j’ai compris ce que Papa disait. En plus j’avais la passion et la fougue. Vous savez, je suis combatif de nature.

 

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Ma préoccupation au début, c’était l’escalade. Et après, tout d’un coup, j’ai ouvert les yeux, je me suis dit, mais il n’y a pas que des rochers ici, il y a une flore intéressante, des animaux, tout ça... C’est de là que finalement, de simples observations, c’est devenu la passion. Ces bouquetins, ces chamois, qu’est ce que c’est ? Comment vivent-ils ? J’ai appris beaucoup de choses et fait un travail assez important, qui pourrait être considéré comme une thèse de doctorat d’Etat, sur le déplacement saisonnier et l’alimentation des trois ongulés : les mouflons, les chamois et les bouquetins. J’ai suivi pendant plus de 10 ans ces trois animaux, toute l’année, pour voir quels étaient premièrement leurs déplacements saisonniers. Je voyais tout le circuit qu’ils faisaient l’hiver, le printemps, au fur et à mesure que l’herbe reverdissait et où ils remontaient, où ils allaient passer l’été. Et à l’automne, la redescente de ces animaux jusqu’aux trois ponts, au Boréon. Les 10 années d’observation ça a été disons de 1953, après avoir construit le chalet, jusqu’en 2000. C’était vraiment une passion.

 

 

Recueil de témoignage audio et écrit par Noëlie Pansiot