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Chantal Bonaglia

Vallée de l'Ubaye

Accompagnatrice en montagne, monitrice de ski de fond et de VTT

« A Barcelonnette, chaque famille avait certains de ses membres, dans la force de l’âge, qui partaient l’hiver comme colporteurs, montreurs d’ours, montreurs de marmottes. »

Chantal Bonaglia

Portrait par Eric Lenglemetz
Recueil de témoignage par Noëlie Pansiot

 

 

L’enfant du pays

Je crois que j’ai compris ça quand j’étais sur les bancs du lycée. L’hiver, les matins de poudreuse et de soleil, après les grosses chutes de neige qu’il y avait dans la nuit, il n’y avait plus personne en classe. J’étais dans une classe de ski étude. C’est vrai que dès qu’il y avait de la poudreuse, que le soleil sortait, on séchait les cours, on allait faire du ski. C’est à cette période que je me suis dit : j’aurais pas un métier d’intérieur, il me faut un métier d’extérieur. 

C’est vraiment un métier que j’ai choisi, que j’ai voulu aussi, parce que j’avais envie de rester au pays. Je suis profondément attachée à mes vallées, à mes montagnes , je n’avais pas envie de partir exercer un métier, je ne sais pas ingénieur ou autre. Non, moi, je voulais rester là.

Et donc tout naturellement, ça s’est dessiné : moniteur de ski l’hiver, accompagnateur en montagne, moniteur en VTT l’été.

Je crois qu’on est attaché à l’endroit où on grandit. Ma famille m’a appris à aimer et à respecter la nature, m’a appris à la connaître aussi, parce que le respect passe par la connaissance. Et du coup, tout naturellement j’ai eu envie de partager, de faire connaître, de faire découvrir aux gens.Plus on connaît de chose, mieux on les comprend, plus on les respecte et on sait ce qu’il faut faire ou ne pas faire. La connaissance est super importante ! Du coup, j'injecte une grosse part d’éducation à l’environnement quand je fais mes balades et quand j’emmène les gens en montagne. Que ce soit en VTT, à pied ou en ski de fond, chaque fois, je leur montre et je leur explique les choses pour qu'à leur tour, du fait de comprendre, ils puissent aimer et respecter. 

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L’histoire de Barcelonnette

Au début des années 1800, on commerçait beaucoup en fait.  Chaque famille avait certains de ses membres, dans la force de l’âge, qui partaient l’hiver comme colporteurs, montreurs d’ours, montreurs de marmottes. Chaque famille, chaque village avait sa spécialité et chaque village avait sa tournée. En fait, c’était très important parce qu’il ne fallait pas que ces gens-là soient une charge pour la famille l’hiver, parce que les travaux des champs, les récoltes et l’élevage ne suffisaient pas à nourrir ces familles très nombreuses. 

Dans la famille de ma grand-mère, ils étaient 16 frères et sœurs pour te donner un ordre d’idée ! Donc 16 frères et sœurs, on avait besoin de tout le monde pour travailler printemps, été, automne. Au milieu de l’automne, on faisait les comptes et bien sûr, souvent, il n’y avait pas assez pour nourrir tout le monde. 

 

Restaient à la maison les tous jeunes et les vieux, et tous ceux qui étaient dans la force de l’âge partaient gagner leur vie ailleurs, manger ailleurs. Quand ils revenaient au printemps, non seulement ils n’avaient pas été nourris par la famille, mais en plus ils revenaient avec un petit peu d’argent. Ils avaient tous un circuit, pour certains l’Italie, pour d'autres la Hollande, les Flandres. Chacun avec ses spécialités. Et après, ily a eu les frontières, les taxes de douane, ce n’était plus intéressant.

Début 1800, est arrivé au pouvoir au Mexique un Président qui s’appelait Porfirio Diaz. Il était un peu dictateur sur les bords, mais il a ouvert les frontières du Mexique. En fait, il avait envie d’industrialiser le Mexique et ce n’est pas tombé dans l’oreille de sourds. A l’époque, il n’y avait pas la radio, pas la télé, pas internet mais ici, c’était une vallée qui était très ouverte. On était au courant de tout parce que forcément, dans chaque famille, il y avait des membres qui partaient un peu aux quatre coins de l’Europe donc ça échangeait, ça parlait dans les veillées... Et on était au courant de ce qui se passait dans le monde. C’est comme ça qu’un des fils Arnaud, en 1820, est parti au Mexique. Ça a été le premier à partir. Il s’est rendu compte qu’il y avait moyen de gagner sa vie. Et petit à petit, ça a fait boule de neige. Les cousins, les cousines, les voisins et tous les jeunes sont partis au Mexique. Il y en a tellement qui sont partis qu’à une époque, on ne trouvait plus quatre hommes dans la force de l’âge pour porter les cercueils lors des enterrements. Tous ceux qui étaient en âge, on va dire un âge solide, étaient partis au Mexique. C’est énorme ! Aujourd’hui, on estime la population des Barcelonnettes au Mexique à 50 000. Pas mal hein ! Là-bas, ils ont monté des usines, chacun s’est spécialisé, pour beaucoup dans le textile, mais après, la porcelaine, des usines lainières. Et sur les milliers qui sont partis,une trentaine de familles a fait fortune. Certains sont devenus multimilliardaires, ils ont monté des empires, créé des banques au Mexique. C’était énorme. Ce sont eux qui ont construit ces belles et grosses maisons qu’on voit aujourd’hui à Barcelonnette. C’était leurs maisons de vacances. L’exode a duré longtemps : les premiers sont partis en 1820, les derniers en 1950-60.

 

Changement climatique

Je suis effrayée oui, complètement effrayée.

 

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