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Nicolas Guillaumot

Hautes vallées du Var et du Cians

Eleveur fromager

"C’était l’appel. Je ne voulais plus être salarié, je voulais faire du fromage. Voilà tout."

 

Nicolas Guillaumot

Portrait par Eric Lenglemetz
Recueil de témoignage par Noëlie Pansiot

 

L’appel

C’était l’appel. Je ne voulais plus être salarié, je voulais faire du fromage. Voilà tout.

C’était un gros challenge de vouloir se lancer là-dedans, alors que je n’avais jamais fait de fromage. Je ne connaissais pas du tout la région. J’avais regardé différentes fermes dans les zones de montagne, dans le sud de la France. Cette ferme, c’est la première que j’ai visité. Et voilà, c’était ici. Es-ce que je me sens chez moi ici ? Je ne sais pas, je n’ai toujours pas l’impression d’être chez moi mais c’est là que je veux être et ça fait 15 ans que j'y suis. J’ai donc battu tous mes records de sédentarité !

En fait, le Mercantour, je ne savais même pas que ça existait (rires) ! C’est le cadre qui m’a plu. La vallée était assez ouverte. Je voulais être en montagne mais pas dans une vallée fermée comme la Maurienne qui est très encaissée ou même la Tinée.

Dans un premier temps, j’ai fait des études agricoles. Il fallait surtout oublier tout ce que je connaissais au niveau technique.

L’important, ce n’est pas la technicité, c’est l’adaptation au contexte, à la végétation, au climat, savoir comprendre le comportement des animaux…

Avec le relief par exemple, on ne regarde pas du tout les vaches de la même façon et les animaux ont un comportement totalement différent de ce que j’avais pu connaître auparavant dans les zones de plaine où il est plus simple de conduire un troupeau. Ici, c’est autre chose.

 

L’espace

Moi, je ne suis pas un randonneur. S’il y a une vache perdue, oui, je vais courir à travers la montagne, ça ne me dérange pas. Mais bon, randonner pour randonner, ça ne m’intéresse pas. Pour moi, ce sont les touristes qui parcourent le Mercantour et je ne suis pas un touriste (rires) ! Par contre, je suis allé à Colmars ce matin et j’ai eu un plaisir fou à passer le col des Champs parce que le paysage est ouvert. On voit toutes ces montagnes, la vue à 360° qui est exceptionnel.

Des fois, quand je rentre du marché, je m’arrête au sommet là, des fois côté Verdon, des fois côté Var, tout dépend. Pas besoin de choisir l'endroit, en se déplaçant juste de 30 ans, le panorama change complètement, la lumière, la verdure, l'ouverture... Qu’est-ce que qui se passe ? Ce sont des lumières, la verdure, l’ouverture...

 

Une démarche écologique, à la vie comme à la ferme

Oui, bien sûr, on est fiers même si je ne sais pas si ça se traduit vraiment comme ça. Mes clients me demandent souvent si c’est du bio. Je leur réponds non, car on n’est pas certifiés mais je leur dis qu’on est « au naturel ». C’est la seule façon dont je pourrais le traduire en fait parce que on a tout un comportement derrière au quotidien. Ce n’est pas seulement sur la ferme mais dans tout notre fonctionnement au quotidien. On n’a pas de télé. On a internet parce que c'est difficile de vivre sans. Beaucoup d'achats pour la ferme ne peuvent pas être fait en direct ou il nous faudrait prendre la voiture, ce qui ne serait pas mieux pour notre bilan carbone. Et dans la mesure du possible nous privilégions le local, même pour acheter notre foin.

Tout ça coule de source en fait. Je ne peux pas vendre mes produits en disant que c’est du local, du naturel et aller m’approvisionner à l’autre bout du monde pour me nourrir ou nourrir mes vaches.

C’est une démarche logique qui corrobore la conduite de la ferme. Si je n’étais pas cohérent avec moi-même, ça n’irait pas.

Il n’y a pas une tomate à la maison tant que ce n’est pas une vraie tomate qui a poussé en pleine terre et qui a mûri au soleil. On fait nos cornichons, tout un tas de choses, nos conserves aussi. En plus d’un état d’esprit, c’est une question de bien-être, on a plaisir à manger nos produits. Bon on a quand même un défaut, on fume et on boit !

Après, ça s’approfondit au fur et à mesure, parce qu’il faut avoir un réseau local et ça, ça prend un peu du temps. Il y a 15 ans, ce n’était pas aussi simple dans la vallée. Maintenant ça s’est organisé un peu autrement.

 

Les anecdotes des anciens

Moi, j’ai plein d’anecdotes parce que je fréquente beaucoup les anciens de la vallée. Je suis copain avec les anciens de Saint-Martin, de Guillaumes et de Péone. J’adore être avec eux, je m’y sens bien. Je suis mieux avec eux qu’avec ceux de ma génération alors des anecdotes, je ne sais pas lesquelles raconter !

Je connais bien une histoire, c’est celle du ramassage du lait dans la vallée. Il y avait des câbles qui descendaient des différents quartiers, de partout. Il y avait des tyroliennes qui transportaient les bidons et qui les emmenaient au bord des routes. Le ramassage s'effectuait le long de la route principale grâce aux câbles.Il y a 60-70 ans, on élevait des vaches ici, dans les vallées, et tout le lait entier était collecté puis vendu à Nice.

Je trouve que c'est une belle histoire...