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Mouflon méditerranéen

 

Mouflon
Mouflon, par R. Valarcher

Nom scientifique : Ovis gmelini musimon x Ovis sp.

Origine de l’espèce

Au Mésolithique, des mouflons sauvages d’Asie Mineure ont été pré-domestiqués par l’Homme et importés sur la plupart des îles méditerranéennes, dont la Corse. Certains se sont réensauvagés et ont donné naissance à la souche actuelle présente en Corse et appelée « mouflon de Corse » (Ovis gmelini musimon var. corsicana)

Bien plus tard, des animaux prélevés dans ces populations corses (mais aussi sardes) ont été importés en Europe continentale et croisés dans des enclos et zoos, avec différentes variétés d’ovins sauvages et domestiques. Les individus issus de ces croisements ont ensuite été utilisés pour les différentes opérations d’introductions effectuées en Europe, notamment dans le Mercantour. Ces individus sont appelés « mouflons méditerranéens » (Ovis gmelini musimon x Ovis sp.). Ce sont eux que l’on retrouve dans nos montagnes du Mercantour.

Le mouflon méditerranéen n’est donc pas une espèce autochtone des Alpes et du Mercantour, mais un espèce introduite. 

Pour en savoir plus sur la différence entre une introduction, une réintroduction ou un retour naturel, cliquez-ici. 

 

Identification

Le mouflon a la taille d’un grand mouton. Il pèse entre 30 et 55 kg pour une hauteur d’environ 70 cm. Le mâle est reconnaissable à ses cornes épaisses et spiralées, qui peuvent atteindre 90 cm de long. La plupart des femelles n’ont pas de cornes mais certaines d’entre elles (dont la proportion varie selon les populations) possèdent de petites cornes. Le pelage est brun chocolat en hiver, beige cannelle en été. La plupart des mâles possède une selle blanche caractéristique à l’arrière du dos en hiver. Enfin, certains individus possèdent un pelage atypique, soit uniformément crème (livrée dite « isabelle »), soit avec des zones blanches importantes sur le corps (livrée dite « pie »). Il s’agirait de vestiges de croisements anciens avec des variétés d’ovins domestiques.

 

Habitat

Le mouflon est capable de vivre dans une grande diversité d’habitats. Il semble toutefois préférer des milieux à végétation herbacée ou arbustive, peu boisés. Dans le Mercantour, selon les saisons, on le retrouve des fonds de vallées jusqu’aux pelouses subalpines, en passant par les boisements clairs. Bien qu’appréciant les milieux rocailleux, il n’a pas l’aisance du bouquetin dans les falaises et les barres rocheuses. Enfin, à la différence du chamois, il n’est pas adapté au déplacement dans la neige épaisse. Ainsi, des hivers très enneigés causent des mortalités très importantes.

 

Comportement

Hormis à l’automne et en hiver, où les groupes sont souvent mixtes, les deux sexes vivent généralement séparés, avec des groupes matriarcaux (femelles et jeunes) d’un côté et des groupes de mâles, à la composition très instable, de l’autre.

Dans le Mercantour, il fréquente en été les parties les plus hautes de la montagne (landes et pelouses alpines). Dès les premières neiges, ils descendent généralement d’altitude et se rassemblent sur des versants raides exposés au sud, où la neige fond rapidement.

Au début du printemps, la repousse progressive de l’herbe les pousse à fréquenter les parties les plus basses de leur territoire, jusqu’aux zones ouvertes des fonds de vallée. Puis ils remontent progressivement, en suivant la repousse de l’herbe.

 

Cycle de vie

Au l’automne, les béliers se rapprochent des groupes de femelles pour le rut. Selon les populations, ce dernier se déroule d’octobre à janvier. Dans le Mercantour, il a majoritairement lieu ????. Les mâles adultes se déplacent alors constamment et sur de grandes distances, à la recherche de femelles réceptives. C’est la technique dite du « mâle vagabond ». Toutefois, il peut parfois être observé une stratégie de type « territorial ». Dans ce cas, des mâles défendent de petits territoires où ils tentent d’attirer les femelles de passage. Les mâles peuvent se livrer à de violents combats, tête contre tête. 

Après environ 5 mois de gestation, les femelles donnent naissance à un agneau, parfois 2. La date de mise-bas est très variable, de début mars au mois de mai. Dans le cas de mises-bas précoces (mars), la mortalité peut être très importante, notamment en cas de périodes de gel ou de chutes de neige tardives. La femelle s’isole pour mettre bas dans un endroit tranquille. Elle rejoint ensuite les autres femelles suitées. 

Dans le Mercantour, le loup est l’unique prédateur naturel du mouflon, jeunes comme adultes. L’aigle royal est également un prédateur des agneaux.

 

Régime alimentaire

Herbivore, son régime alimentaire se caractérise par son éclectisme. Il consomme majoritairement des plantes herbacées, surtout au printemps. Mais il se nourrit également de jeunes pousses d’arbres et d’arbustes, de bourgeons, de fruits, d’écorces d’arbres, de fougères et de lichens en proportion plus ou moins importante selon les saisons. 

Comme la plupart des autres ongulés, le mouflon s’abreuve rarement. L’origine presque exclusive de l’eau ingérée semble donc être celle contenue dans les aliments ou présente à leur surface sous forme de rosée. 

Comme tous les ruminants, le mouflon est friand de sel qu’ils trouvent sous la forme de suintements à la surface de certaines roches. A l’occasion, il profite de celui disposé par les bergers pour leurs troupeaux, ou du sel disposé sur les routes.

 

Historique dans le Mercantour

Les premières introductions de cette espèce en France ont été réalisées au début des années 1950 dans le massif du Mercantour. Elles ont été effectuées par les Fédérations de Chasse des Alpes-Maritimes et des Alpes-de-Haute-Provence (alors Basses-Alpes), bien avant la création du Parc national. Ces introductions étaient principalement à visée cynégétique.

  • En 1949, 1950 et 1955, 19 individus sont introduits dans le Boréon (commune de Saint-Martin-Vésubie).
  • En 1959 et 1962, 10 individus dans la vallée de l’Ubaye (Jausiers et Barcelonnette).
  • En 1962, 8 individus en Haute Tinée (Saint-Etienne de Tinée).
  • En 1973 et 1976, 8 individus dans le Haut Verdon (Allos).

Par la suite, d’autres opérations ont été réalisées pour conforter les populations existantes ou pour créer de nouvelles colonies. Au total, sur l’ensemble du département des Alpes-Maritimes, 236 animaux ont été lâchés sur 11 sites concernant 10 communes entre 1949 et 1989 (chiffres : Fédération Départementale des Chasseurs des Alpes-Maritimes).

Dans le Parc national du Mercantour (Zone cœur et aire optimale d’adhésion), ces opérations ont permis la constitution de populations dans les secteurs du Boréon et de Mollières (Haute Vésubie), de la Haute Tinée entre Isola et la Bonette, de la rive droite de la moyenne vallée de l’Ubaye et en Ubayette (Haute Ubaye).

Malgré tout, le mouflon s’est relativement peu développé. En effet, de toutes nos espèces d’ongulés, il s’agit de celle qui a la plus faible capacité de dispersion. Par ailleurs, son inadaptation à la haute montagne cause régulièrement des épisodes de forte mortalité lors d’hivers prolongés et enneigés. Enfin, du fait des processus de sélection naturelle de cette espèce à l’histoire atypique, le mouflon est bien plus sensible que les autres ongulés à la prédation du loup. Notamment parce qu’il s’agit d’une espèce très grégaire et peu à l’aise dans les zones escarpées où les autres ongulés trouvent plus facilement refuge en cas d’attaque. Aussi, dès l’arrivée du prédateur dans le Mercantour au début des années 1990, les populations de mouflons ont fortement décliné. 

Malgré tout, depuis plusieurs années, on observe une stabilisation des effectifs de certaines populations voire une légère augmentation, consécutive à la baisse des plans de chasse et une probable adaptation de l’espèce au loup. C’est notamment le cas de la population de la Haute Tinée. A l’inverse, d’autres populations, comme celle du vallon de Mollières ont fortement décliné. 

 

Comment l'observer ?

Dans le Mercantour, l’observation du mouflon n’est pas la plus facile, dans la mesure où ses populations sont localisées. Mais là où il est présent, il est relativement facile à observer, surtout au printemps, lorsque les hardes descendent assez bas dans les vallées, parfois aux portes des villages ou en bord de route. L’hiver, on évitera de le déranger, l’animal vivant sur ses réserves. L’été, il faudra se lever tôt pour l’observer, les femelles avec leurs jeunes allant dès les premières chaleurs, se mettre à l’abri à l’ombre vers les hauteurs.

 

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