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Nathalie Magnardi

Vallée de la Roya-Bévéra

Ethnologue 

"La vallée des Merveilles… Quand on connaît cet endroit, on lui appartient au bout d’un moment." 

 

Nathalie Magnardi

Portrait par Eric Lenglemetz
Recueil de témoignage par Noëlie Pansiot

 

La vallée des Merveilles, un monde d’histoire et de passion

 

Quand on connaît cet endroit, on lui appartient au bout d’un moment. On a envie d’y retourner, on a envie d’y être, on a envie de retrouver encore des choses, envie d’observer, et ensuite, de le transmettre.

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Le monde pastoral

Quand j’ai commencé à travailler dans la vallée des Merveilles, j’avais 20 ans. Il y avait un berger qui avait des chèvres et des brebis mélangées, il s’appelait Pierrin, c’était vraiment quelqu’un de la culture pastorale. J’ai vraiment sympathisé avec lui. Parce que mon mari étant Tendasque, je comprenais le tendasque et j’avais une approche peut-être plus facile que les autres stagiaires. On se revoyait l’hiver, il me faisait des petits plats à la marmotte, il me faisait des choses extraordinaires. Et évidemment, chaque rencontre était prétexte à lui demander des choses, à préciser, parce qu’il avait gravé là-haut, donc c’était vraiment un de mes témoins principaux. J’en ai vu d’autres. Je n’ai pas eu des relations aussi proches avec les autres. C’était mon père de la campagne, en fait, parce que moi, j’ai eu une vie de citadine. Mon père était artiste, j’ai eu une culture très fine mais je ne connaissais rien du tout à la campagne. Il m’a tout appris, des chiens, des animaux, de la goutte d’eau : "tu vois, il va pleuvoir". Et je suis très très contente d’avoir franchi cette timidité. Il m’a aidé à aimer cette montagne, à la comprendre et quand on comprend, on a moins peur.

Moi, j’aime vivre avec les bergers, même s'il y a l’odeur des bêtes et tout ça, le bruit, j’aime. C’est en observant qu’on devient berger. Je n’ai pas du tout envie d’être bergère, mais ça me plaît d’être avec eux, de passer du temps avec eux. Aux Merveilles, vivre avec les bergers, c’est bien plus agréable que d’être dans un refuge avec des archéologues, même si le refuge est plus confortable. Parce que là, je suis en contact avec la nature. Je fais à manger avec du feu de bois, je me lave dans le torrent, j’ai pas d’interrupteur. C’est ça que j’ai aimé dans la montagne, c’est d’être déconnectée d’un temps quotidien, pas de robinet, pas de lumière.

Quand on est en montagne, on a des besoins primaires :on a chaud, on a froid, on a soif. 

Et je trouve ça formidable parce que c’est notre nature et qu'elle revient en premier plan. Alors que dès qu’on a du confort, on est là à cogiter, à se demander ce qu’on doit faire après... En montagne, on vit vraiment l’instant présent. Il faut être présent quand on marche, ne pas tomber, être présent à regarder ce qui se passe, vérifier le temps. Et les bergers encore plus : surveiller les bêtes, ce qu’elles mangent, où elles vont... Et moi, je trouve que j’apprends beaucoup en regardant.

Cette montagne, même s'il y a ces gravures piquetées, c’est un alpage de bergers. Ce ne sont pas des prêtres initiés qui sont montés comme on le disait à une époque. Il y a peut-être eu des rites d’initiations, parce que c’est un endroit qui s’y prête vraiment.
 

 

La transmission, une question d’éthique

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